Atténuer les effets du changement climatique grâce aux énergies renouvelables

Découvrez la parole d'expert de Patricia ARLABOSSE sur les énergies renouvelables, professeur et directrice adjointe du centre de recherche RAPSODEE à IMT Mines Albi.

Les énergies renouvelables, une alternative viable ?
 

Pouvez-vous vous présenter ?

Patricia ARLABOSSE

Je suis Patricia Arlabosse, professeur à IMT Mines Albi et directrice adjointe du centre de recherche RAPSODEE, qui est une unité mixte de recherche avec le CNRS (UMR CNRS 5302). Je suis responsable du master « Biomass and Waste for Energy and Materials (BiWEM) » et de l’option de dernière année du parcours ingénieur « Eco-activités et Energie ».

 

Pensez vous qu’il soit encore possible de limiter les effets du changement climatique ou est-il trop tard ?
 

Les émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, résultant des activités anthropiques, conditionnent l'évolution du climat. Une augmentation de la température moyenne du globe d’un degré Celsius par rapport à la période préindustrielle a déjà été constatée. Donc les changements sont en cours. Le réchauffement climatique se manifeste par une recrudescence des phénomènes météorologiques dangereux (tempêtes, ouragans, inondations, incendies) et des exodes liés à l’élévation des niveaux des mers. Effectivement la question est : va-t-on être capable de limiter le réchauffement climatique à un seuil acceptable ? Les experts du climat estiment qu’il nous reste une décennie pour agir et contenir le réchauffement sous les 2°C.

Du fait de la crise sanitaire de la Covid19, l’année 2020 est associée à une diminution significative des émissions de gaz à effet de serre (-7% par rapport à 2019, soit environ 2.4 GtCO2) mais il nous faudrait réduire chaque année nos émissions de 1 à 2 GtCO2, et ceci pendant les 10 prochaines années, pour contenir le réchauffement sous les 2°C. Il est donc urgent, de prendre conscience de ces problématiques et, au quotidien, de devenir acteur du changement.

 

D’après vous, les énergies renouvelables peuvent-elles réellement remplacer les énergies fossiles ? Quelles sont les alternatives viables ?

Effectivement, la combustion des énergies fossiles est responsable d’une partie significative des émissions de gaz à effet de serre et donc du changement climatique. Un mix énergétique, avec une augmentation progressive de la part des énergies renouvelables, doit être envisagé, en tenant compte des ressources locales. Ils existent différents types d’énergies renouvelables : l’énergie hydraulique, l’énergie solaire, l’énergie éolienne, la géothermie, la biomasse et les déchets. Actuellement, seulement 15% de la demande mondiale en énergie primaire est fournie par les énergies renouvelables... L’énergie solaire et l’énergie éolienne ont la caractéristique d’être des énergies intermittentes. Un mix énergétique permet, par exemple, de répondre à la demande, indépendamment du cycle jour / nuit et de la présence (ou pas) de vent. En effet, l’énergie hydraulique, la géothermie et la biomasse sont capables de produire en continu et constituent donc des systèmes de production d’énergie de base et d’énergie acheminable.

 

Quels sont les derniers développements en matière de recherche dans le domaine des énergies renouvelables ?

Un des grands enjeux, pour l’industrie mais aussi pour la mobilité, est de produire de l’hydrogène vert, c’est-à-dire à partir de ressources renouvelables. Une première voie consiste à utiliser l’excédent d’électricité renouvelable pour réaliser une électrolyse de l’eau. L’autre alternative est de convertir la biomasse et les déchets fermentescibles en biogaz, par méthanisation, ou la biomasse et les déchets lignocellulosiques en « syngas », par voie thermochimique, puis de les purifier pour récupérer l’hydrogène pur. Un des enjeux actuels est la rentabilité économique de ces procédés.

Le stockage de l’énergie constitue également un enjeu majeur de la transition énergétique. Comme on ne sait pas stocker l’électricité sous sa forme propre, il faut la transformer sous une autre forme énergétique pour la stocker. La question du stockage est une problématique générale, qui concerne les énergies intermittentes solaires et éoliennes, avec les enjeux d’équilibrer production et consommation notamment, mais qui va bien au-delà, avec la nécessité de minimiser les consommations d’énergie en récupérant et réutilisant, par exemple, les chaleurs fatales. 

 

Y a-t-il des travaux de recherche prometteurs dans le domaine du stockage de l’énergie ?

Il y a énormément de travaux de recherche dans ce domaine. On peut stocker l’énergie sous différentes formes (énergie mécanique, thermique ou chimique), la production d’hydrogène étant, par exemple, une forme de stockage chimique. Pour l’énergie thermique, une partie des recherches concerne le développement de nouveaux matériaux à changement de phase, à base de sels fondus, qui permettent de stocker et de libérer de beaucoup plus grandes quantités d’énergie. La question du « pilotage » des réseaux, à savoir comment charger et décharger un stockage en fonction de la demande des usagers, fait également l’objet de nombreux travaux de simulation.

 

Qu’est-ce que l’économie circulaire ? Est-ce faisable ?

L’économie circulaire est un nouveau modèle économique, basé sur une approche systémique du cycle de vie (incluant la production, la consommation, le management des déchets et la réincorporation des matières premières secondaires dans le cycle de production). L’objectif est de promouvoir un système qui soit sobre en carbone et en énergie, d’où la nécessité, par exemple, d’aller vers la récupération et la valorisation des chaleurs fatales. En effet, lorsque l’on transforme l’énergie, les rendements ne sont jamais de 100%, impliquant des « pertes ». S’il s’agit de chaleur disponible à basse température, elle peut être stockée et réutilisée pour d’autres usages (chauffer des piscines, alimenter des réseaux de chaleur privés ou municipaux…). On a donc aussi besoin d’une vision globale pour réfléchir à l’aménagement des zones urbaines pour promouvoir un environnement diversifié avec des logements, des bureaux mais aussi des activités de production et optimiser cet écosystème de manière globale. C’est une approche nécessairement concertée, impliquant différentes typologies d’acteurs publics et privés, et qui va de pair aussi avec les enjeux de mobilité… Mais l’économie circulaire, c’est aussi la sobriété en ressources naturelles, qui passe par le recyclage des produits en fin de vie et l’écoconception des nouveaux produits pour favoriser leur recyclage. A terme, il s’agit d’une logique de zéro déchet.
 

Que conseilleriez-vous à un étudiant qui demanderait « que puis-je faire pour arrêter le changement climatique » ?

Je lui dirais d’être à la fois un citoyen engagé, c’est-à-dire de placer l’écologie au centre de ses décisions et de ses actes de consommation, et un ingénieur éclairé, c’est-à-dire de faire les bons choix de carrière et de partager cette vision systémique avec les équipes autour de lui. En la matière, la pédagogie est indispensable.